La Beauté sauvera le monde
Kouka
2018
Peinture acrylique au rouleau, bombe aérosol et pinceau
Façade Est bâtiment M. Allais
La beauté sauvera le monde de Kouka est divisée en deux parties : à gauche le visage de la Vénus de Milo et à droite le titre.
L’artiste Kouka réalise ses œuvres à main levée avec un pinceau et un rouleau, il privilégie la spontanéité du geste. Dans La beauté sauvera le monde, le seul travail préparatoire est le fond entièrement peint en noir, comme un grand tableau d’ardoise, sur lequel il a appliqué de la peinture blanche.
Kouka travaille uniquement en noir et blanc, ce qui le distingue de nombreux artistes urbains. Le contraste du noir et blanc l’intéresse pour plusieurs raisons : en tant qu’artiste franco-congolais, l’alliance du blanc et du noir fait partie de son identité. L’utilisation du noir et blanc crée une rupture visuelle qui interpelle et donne un aspect plus brut à ses œuvres.
L’œuvre de Kouka est souvent sujette à de mauvaises interprétations ou à des incompréhensions. L’artiste a choisi de représenter la Vénus de Milo car elle est selon lui à la fois l’incarnation de la Beauté et la sculpture la plus connue de l’art classique. Kouka voulait que cette œuvre puisse parler à tout le monde.
Cependant, il a volontairement représenté la Vénus de Milo en zoomant sur son regard pour plusieurs raisons :
- Il ne souhaitait pas qu’elle soit reconnaissable au premier coup d’œil, il voulait que les spectateurs s’attardent devant sa fresque et s’interrogent sur son identité
- Il trouve le regard de cette sculpture énigmatique, attirant, presque séducteur, mais rempli de mystères
Le titre La beauté sauvera le monde fait référence au roman L’Idiot de Dostoïevski. Cette formule est en effet prononcée par le personnage principal et sonne comme un paradoxe. Kouka avait retrouvé cette phrase dans une archive de Paris en mai 68 où elle était tagguée.
L’artiste considère que 50 ans après mai 68, nous avons toujours les mêmes préoccupations : mettre un peu de beauté et d’amour dans ce monde.
Son œuvre a vu apparaître, très peu de temps après sa réalisation, de nombreux graffitis. Plusieurs tags intéressants de la première vague ont aujourd’hui été recouverts par d’autres tags ainsi qu’une épaisse couche de peinture grise sur la partie basse de l’œuvre.
L’un des premiers graffitis qui est apparu est : « la beauté est dans la rue ». Un slogan populaire de mai 68 présent sur de nombreuses affiches développées par un atelier clandestin des Beaux-Arts. Ce slogan taggué sur l’œuvre de Kouka est une réponse directe au titre de l’œuvre « la beauté sauvera le monde ».
La signature de Kouka a été recouverte par des tags, geste typique d’appropriation du mur, et donc de l’œuvre, qui appartient désormais aux anonymes, au Peuple.
Parmi ces tags, on perçoit un désir de contestation, de renouveau de l’art:
- « Qu’est-ce qu’une œuvre d’art ? » à la peinture aérosol noire, questionne le statut et la nature de l’art.
- « L’antiquité grecque n’est pas à vous. » à la peinture aérosol rose-rouge, nous interpelle sur la spoliation des œuvres d’art par les puissances occidentales, sur leur présence dans les musées et sur leur retour légitime dans leur pays d’origine.
- « Non à la muséification, vive la zbeulification » à la peinture aérosol blanche, fait écho à l’institutionnalisation de l’art urbain, qui entre désormais dans les musées et les galeries. Le barbarisme « zbeulification » vient de l’argot « zbeul » ou « zbel » signifiant « désordre ».
- « Jean-claude Vandale » à la peinture aérosol noire, fait référence à l’acteur et pratiquant d’arts martiaux Belge Jean-Claude Van Damme.
Plus récemment, de nouveaux tags et des affiches sont apparus.
Ces nombreuses interventions anonymes peuvent s’expliquer par plusieurs raisons : le mur sur lequel la fresque a été réalisée, était un mur d’expression connu à Nanterre Université, parce que les graffeurs n’y étaient peu visibles. En outre, cet endroit, situé juste en face du bâtiment Ricœur est souvent le point de départ des blocus et autres manifestations étudiantes. Enfin, placer une œuvre classique à côté d’un tel slogan n’est pas au goût de tout le monde : il invite chacun à réagir…
En apprenant les différentes transformations présentes sur son œuvre, Kouka s’en est réjoui. Selon lui, une œuvre urbaine a justement vocation à ouvrir le dialogue et créer un espace d’expression. Il n’a pas souhaité refaire son œuvre et n’a pas voulu que les tags soient recouverts. Il considère qu’elle est achevée et n’appartient plus à son auteur.
Pour aller plus loin
Kouka est un artiste franco-congolais né en 1981 à Paris. Il est graffeur, peintre et rappeur. Diplômé de l’Ecole des Beaux-Arts d’Avignon en 2000, il a commencé à graffer dans la rue à son adolescence, lorsqu’il a déménagé à Toulouse. En 2008, il se fait remarquer en commençant à peindre des guerriers bantous. Ce qui finira par représenter l’Homme universel a pris place pour la première fois illégalement sur les murs délabrés de ce qui devait être le Centre International des civilisations bantu à Libreville au Gabon. Le projet n’a jamais vu le jour en raison notamment de problèmes de détournement et de corruption.
Pour en savoir plus sur Kouka https://www.kouka.me/