Le crépuscule des idoles
Levallet
2018
encre de Chine & collage
escaliers extérieurs bâtiment Veil
Fresque réalisée dans le cadre de La Nuit des idées (UPN/Musée du Louvre). Les artistes se sont inspirés des œuvres du musée du Louvre afin de commémorer les cinquante ans de mai 68.
Le Crépuscule des idoles est une œuvre double-face, visible sur l’escalier extérieur du bâtiment Veil de l’université.
Son auteur, l’artiste Levalet, utilise une technique consistant à dessiner et brosser des motifs figuratifs à l’encre de Chine sur du papier kraft, puis à les coller dans un espace choisi au préalable. Lorsqu’il travaille en noir et blanc, comme sur cette œuvre, la brosse lui permet de créer des contrastes et des nuances de gris. Après collage, ses installations sont retouchées au pinceau.
Les œuvres de Levalet sont à la fois poétiques et satiriques. Inspirées du burlesque, elles formulent une critique acerbe de notre société. L’inspiration première de l’artiste est le site lui-même, à la fois emplacement et point de départ de sa création. Il en est ainsi du Crépuscule des idoles, représentant une trentaine de statues du Louvre dégringolant les marches de l’escalier extérieur du bâtiment.
Le titre de l’œuvre renvoie à l’ouvrage éponyme de Nietzsche. Dans Le Crépuscule des idoles (1889), l’auteur condamne la morale hostile au corps sensible et à la vie instinctive. Le philosophe défend une idée de la passion émancipatrice et de la libération des mœurs, qui a été reprise par la jeunesse de mai 68. La fresque de Levalet, montrant la chute des sculptures classiques sont à rapprocher des mots d’ordre des étudiants révolutionnaires, souhaitant faire table rase du passé pour que l’art puisse se réinventer. Levalet ne souhaite pas détruire les œuvres du patrimoine, il cherche seulement à les faire descendre littéralement de leur piédestal.
Ces sculptures, parfois cassées ou fragmentées, semblent avoir été jetées en vrac, comme abandonnées comme dans une décharge publique. L’emplacement choisi permet de représenter ce mouvement de chute, qui donne tout son sens à l’installation.
Pour accentuer cette idée, l’artiste a ajouté des corbeaux, symbole de mort, qui souligne le fait que les œuvres classiques sont défuntes, et qu’elles n’ont plus à imposer leur loi. Toutefois, elles demeurent une source d’inspiration et de régénération pour l’art moderne, y compris pour les artistes de street art !
Cette volonté de renouveau se retrouve ici à travers le médium utilisé : le papier, qui disparaît rapidement avec le temps. Cette nature éphémère des installations est voulue par l’artiste. Il ne retouche pas et ne revient jamais sur une œuvre terminée. Elle est donc vouée à s’abîmer et à disparaître. Le Crépuscule des idoles peut encore être observé sur les murs du campus mais, il s’efface progressivement…
Le titre de l’œuvre : « Crépuscule des idoles » fait référence à un ouvrage du philosophe allemand Friedrich Nietzsche. Dans son livre, l’auteur condamne la morale qui va souvent de pair avec un certain mépris de la vie, du corps, et des instincts humains. Au contraire, il défend l’intensité et la passion, et encourage à se défaire des lourdes contraintes et d’une idée de la vertu imposée par la religion.
Le répertoire religieux se retrouve sur une grande partie des figures : les vierges à l’enfant, la mythologie grecque… et même les représentations de dirigeants comme des rois, des empereurs, des pharaons, peuvent être rapprochées de la religion.
Cette volonté de se libérer du moralisme de la société n’est pas sans rappeler les idées de Mai 68, avec la libération des mœurs. De manière plus concrète, les étudiants révolutionnaires avaient expliqué lors de la commission « Culture et créativité » de Nanterre Université, leur volonté d’abandonner les modèles classiques artistiques pour que la culture et l’art puissent se réinventer. Faire table rase du passé pour faire renaître de la créativité. Il ne s’agit pas de détruire toutes les œuvres du patrimoine, seulement les faire redescendre de leur piédestal, et c’est exactement ce que Levalet a souhaité montrer dans Le Crépuscule des idoles.
Pour aller plus loin
Charles Leval, dit Levalet, est né en 1988 à Epinal. Il grandit en Guadeloupe où il découvre la culture urbaine, puis les arts plastiques. Il poursuit ses études d’arts visuels à Strasbourg, son travail davantage tourné vers la vidéo, se nourrit d’une pratique théâtrale régulière.
En 2012, il passe son agrégation et devient professeur d’arts plastiques. En parallèle, son travail commence à prendre place dans les rues, notamment à Paris. Un an après, il se fait connaître et commence à exposer dans des galeries et à participer à des événements internationaux.
Au départ, il travaillait surtout avec le médium vidéo. L’histoire du cinéma est encore une forte référence pour lui, même lorsqu’il réalise des œuvres dans la rue.
Aujourd’hui, la production de Levalet ne s’inscrit pas dans une histoire artistique de la rue, comme le graffiti, mais se rapproche davantage des arts plastiques avec le dessin, le collage et la mise en scène. L’œuvre de Levalet est avant tout un travail de dessin et d’installation. Il met en scène ses personnages dessinés à l’encre de chine dans l’espace public, dans un jeu de dialogue visuel avec l’environnement et l’architecture.
Pour en savoir plus sur Levalet : https://www.levalet.xyz/