Le Tricheur à l’as de carreau

Andrea Ravo Mattoni

2018
corroyage sur fond marron, bombe aérosol
côté Sud pile de support bâtiment P. Grappin

Pour réaliser son œuvre Andrea Ravo Mattoni a repris la partie gauche du Tricheur à l’as de carreau de Georges de La Tour, le détail le plus important selon lui : le tricheur. Sur sa fresque ne figure que le tricheur et la serveuse de vin qui regardent tous les deux le spectateur d’un air complice, plaçant ce dernier dans la confidence : le tricheur sort des as cachés sous sa ceinture. 

Andrea Ravo Mattoni combine deux techniques : la bombe aérosol rattachée au graffiti et le carroyage sur fond marron utilisé par les peintres classiques. Le carroyage est une technique qui consiste à faire un quadrillage préparatoire sur la surface, pour délimiter les zones du dessin. Cette technique permet d’avoir les bonnes proportions des figures, de cibler le placement des ombres et les contrastes lors de l’application des couleurs. 

Andrea Ravo Mattoni a volontairement choisi de ne pas réinterpréter le tableau de Georges de La Tour. Il a une démarche singulière pour un artiste urbain : il souhaite faire de la rue un musée à ciel ouvert, en transférant les plus grands chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art sur des murs afin de les exposer à la vue de tous. L’artiste considère que le musée, en tant qu’institution, est un lieu élitiste ou inaccessible. Il craint que le désamour des musées fasse mourir la culture. Selon lui, les œuvres sont faites pour être vues et connues, sinon elles tombent dans l’oubli. Pour éviter cela, il reprend donc les chefs d’œuvres de la peinture à la bombe aérosol et en grand format sur les murs. 

La signature de l’artiste se trouve sur la partie extrême droite du mur. Elle n’est pas intégrée dans la reproduction de l’œuvre et n’est pas immédiatement visible. Un choix qui vient accentuer cette volonté de mettre en lumière les œuvres classiques sans les dénaturer. 

Dans sa démarche comme dans son exécution, Andrea Ravo Mattoni crée un pont entre le passé et le présent. Les œuvres sont incroyablement ressemblantes aux originaux. 

L’artiste ne souhaite ni réinterpréter, ni détourner ses modèles. Il peut arriver que, une fois dans la rue, l’œuvre échappe à son créateur. C’est ce qui s’est produit avec cette œuvre, qui a été recouverte (« taguée ») par un anonyme de l’inscription “UNO” dans une bulle, en référence au jeu de carte. Le tagueur a utilisé la même teinte rose que celle de la robe de la serveuse de vin. Un choix qui donne l’illusion, au premier regard, que ce tag fait partie de la reproduction de l’artiste. 

Contrairement à Kouka (cf. La beauté sauvera le monde), qui se réjouissait que des anonymes soient intervenus sur son œuvre, Andrea Ravo Mattoni n’a pas apprécié ce tag qui dégrade son œuvre. Il se distingue de beaucoup d’artistes urbains car, à la différence de ces derniers, lui souhaite que ses œuvres soient traitées comme de vraies œuvres, c’est-à-dire qu’elles ne soient pas détériorées par une intervention humaine, et qu’elles soient conservées le plus longtemps possible.

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