L’Éloge de la main

Roti

2018
bombe aérosol
côté Nord pile de support bâtiment P. Grappin

Roti est né d’une double culture : celle transmise par ses parents sculpteurs et celle qu’il s’est forgée très tôt, le graffiti. L’Éloge de la main lui permet de rassembler ses deux arts de prédilection : la sculpture et le graffiti. 

L’œuvre street art réalisée à la bombe aérosol représente une main fragmentée. Le dos de la main est face au spectateur et les doigts sont très légèrement pliés. Le pouce et l’auriculaire manquent. La main semble jaillir d’une nuée vaporeuse blanche. Entièrement en noir et blanc, les traits de L’Éloge de la main sont flous, seuls les contours des doigts sont un peu plus marqués. Un effet de brume (la main noire) et de vapeur (la nuée blanche) font penser à un dessin réalisé au fusain. 

Cette main, qui semble apparaître du ciel vers la terre dans un brouillard ou des nuages, a été empruntée à la sculpture Abel expirant de Jean-Baptiste Stouf. 

Roti a repris cette sculpture pour la réinterpréter en peinture. Après l’avoir réalisé, Roti a expliqué qu’il était fasciné par la vie qui semblait émaner de la main d’Abel. L’index et l’annulaire légèrement levés sont les seuls indices permettant d’affirmer qu’il n’est pas mort. Abel est-il agonisant ou mort ? Les interprétations varient selon les experts. Toute la vie de ce personnage biblique est contenue dans sa main. Ce mouvement perceptible dans la statue en marbre, vient contraster avec ce matériau inerte. Roti a voulu retranscrire cette impression de vie dans son œuvre.  

Le titre L’Éloge de la main fait référence au livre éponyme d’Henri Focillon, un texte fondateur en histoire de l’art. Dans son livre, l’auteur explique que « l’art se fait avec les mains », la main est la partie la plus importante du corps. Plus qu’un instrument de création, elle est « l’organe de la connaissance ». 

L’Éloge de la main de Roti n’existe plus matériellement sur les murs de l’Université Paris Nanterre. Elle a été recouverte par les services d’entretien de l’université, qui l’ont confondue avec un tag sauvage… 

Roti n’a pas souhaité refaire son œuvre. 

L’effacement de son œuvre souligne l’une des caractéristiques d’un art non encore ancré dans les mentalités : le street art. Lorsqu’un artiste intervient dans la rue, même si son œuvre est commandée par une institution, elle risque d’être effacée, dégradée, modifiée, dénaturée. 

Ironiquement, la disparition de cette œuvre est la meilleure commémoration possible des événements de mai 68 ! En effet, dès la fin de l’occupation de l’université, de grands travaux ont été menés pour effacer les “dégradations”. Une partie des fresques, tags, messages, graffitis de mai 68 a disparu, l’autre a été nettoyée ou recouverte d’épaisses couches de peinture. 

Cinquante ans plus tard, cette fois à l’initiative de l’université, les murs accueillent des œuvres street, et celles-ci sont à nouveau effacées : l’histoire se répète… L’œuvre de Roti a donc rejoint ses ancêtres dissimulés dans les murs de la fac. 

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